1. |
L'invitation au voyage
03:16
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Mon enfant, ma sœur,
Songe à la douceur
D’aller là-bas vivre ensemble !
Aimer à loisir,
Aimer et mourir
Au pays qui te ressemble !
Les soleils mouillés
De ces ciels brouillés
Pour mon esprit ont les charmes
Si mystérieux
De tes traîtres yeux,
Brillant à travers leurs larmes.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Des meubles luisants,
Polis par les ans,
Décoreraient notre chambre ;
Les plus rares fleurs
Mêlant leurs odeurs
Aux vagues senteurs de l’ambre,
Les riches plafonds,
Les miroirs profonds,
La splendeur orientale,
Tout y parlerait
À l’âme en secret
Sa douce langue natale.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
Vois sur ces canaux
Dormir ces vaisseaux
Dont l’humeur est vagabonde ;
C’est pour assouvir
Ton moindre désir
Qu’ils viennent du bout du monde.
– Les soleils couchants
Revêtent les champs,
Les canaux, la ville entière,
D’hyacinthe et d’or ;
Le monde s’endort
Dans une chaude lumière.
Là, tout n’est qu’ordre et beauté,
Luxe, calme et volupté.
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2. |
Première soirée
02:09
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Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
Assise sur ma grande chaise,
Mi-nue, elle joignait les mains.
Sur le plancher frissonnaient d’aise
Ses petits pieds si fins, si fins.
Je regardai, couleur de cire
Un petit rayon buissonnier
Papillonner dans son sourire
Et sur son sein, – mouche ou rosier.
Je baisai ses fines chevilles.
Elle eut un doux rire brutal
Qui s’égrenait en claires trilles,
Un joli rire de cristal.
Les petits pieds sous la chemise
Se sauvèrent : « Veux-tu en finir ! »
La première audace permise,
Le rire feignait de punir !
Pauvrets palpitants sous ma lèvre,
Je baisai doucement ses yeux :
Elle jeta sa tête mièvre
En arrière : « Oh ! c’est encor mieux !
Monsieur, j’ai deux mots à te dire… »
Je lui jetai le reste au sein
Dans un baiser, qui la fit rire
D’un bon rire qui voulait bien…
Elle était fort déshabillée
Et de grands arbres indiscrets
Aux vitres jetaient leur feuillée
Malinement, tout près, tout près.
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3. |
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Entre tous mes tourments entre la mort et moi
Entre mon désespoir et la raison de vivre
Il y a l'injustice et ce malheur des hommes
Que je ne peux admettre il y a ma colère
Il y a les maquis couleur de sang d'Espagne
Il y a les maquis couleur du ciel de Grèce
Le pain le sang le ciel et le droit à l'espoir
Pour tous les innocents qui haïssent le mal
La lumière toujours est tout près de s'éteindre
La vie toujours s'apprête à devenir fumier
Mais le printemps renaît qui n'en a pas fini
Un bourgeon sort du noir et la chaleur s'installe
Et la chaleur aura raison des égoïstes
Leurs sens atrophiés n'y résisteront pas
J'entends le feu parler en riant de tiédeur
J'entends un homme dire qu'il n'a pas souffert
Toi qui fus de ma chair la conscience sensible
Toi que j'aime à jamais toi qui m'as inventé
Tu ne supportais pas l'oppression ni l'injure
Tu chantais en rêvant le bonheur sur la terre
Tu rêvais d'être libre et je te continue.
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4. |
Chanson de Fortunio
01:35
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Si vous croyez que je vais dire
Qui j'ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer.
Nous allons chanter à la ronde,
Si vous voulez,
Que je l'adore et qu'elle est blonde
Comme les blés.
Je fais ce que sa fantaisie
Veut m'ordonner,
Et je puis, s'il lui faut ma vie,
La lui donner.
Du mal qu'une amour ignorée
Nous fait souffrir,
J'en porte l'âme déchirée
Jusqu'à mourir.
Mais j'aime trop pour que je die
Qui j'ose aimer,
Et je veux mourir pour ma mie
Sans la nommer.
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5. |
Beams
03:17
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Elle voulut aller sur les bords de la mer,
Et comme un vent bénin soufflait une embellie,
Nous nous prêtâmes tous à sa belle folie,
Et nous voilà marchant par le chemin amer.
Le soleil luisait haut dans le ciel calme et lisse,
Et dans ses cheveux blonds c'étaient des rayons d'or,
Si bien que nous suivions son pas plus calme encor
Que le déroulement des vagues, ô délice !
Des oiseaux blancs volaient alentour mollement
Et des voiles au loin s'inclinaient toutes blanches.
Parfois de grands varechs filaient en longues branches,
Nos pieds glissaient d'un pur et large mouvement.
Elle se retourna, doucement inquiète
De ne nous croire pas pleinement rassurés,
Mais nous voyant joyeux d'être ses préférés,
Elle reprit sa route et portait haut la tête.
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6. |
Fantaisie
02:30
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Il est un air pour qui je donnerais
Tout Rossini, tout Mozart et tout Weber,
Un air très vieux, languissant et funèbre,
Qui pour moi seul a des charmes secrets.
Or, chaque fois que je viens à l’entendre,
De deux cents ans mon âme rajeunit :
C’est sous Louis treize ; et je crois voir s’étendre
Un coteau vert, que le couchant jaunit,
Puis un château de brique à coins de pierre,
Aux vitraux teints de rougeâtres couleurs,
Ceint de grands parcs, avec une rivière
Baignant ses pieds, qui coule entre des fleurs ;
Puis une dame, à sa haute fenêtre,
Blonde aux yeux noirs, en ses habits anciens,
Que, dans une autre existence peut-être,
J’ai déjà vue… – et dont je me souviens !
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7. |
Conclusion
01:56
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J'ai rêvé les amours divins,
L'ivresse des bras et des vins,
L'or, l'argent, les royaumes vains,
Moi, dix-huit ans, Elle, seize ans.
Parmi les sentiers amusants
Nous irons sur nos alezans.
Il est loin le temps des aveux
Naïfs, des téméraires voeux!
Je n'ai d'argent qu'en mes cheveux.
Les âmes dont j'aurais besoin
Et les étoiles sont trop loin.
Je vais mourir saoul, dans un coin.
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8. |
Laiser-courre
03:13
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J'ai laissé la potence
Après tous les pendus,
Andouilles de naissance,
aigres fruits défendus ;
Les plumes aux canards
Et la queue aux renards...
Au Diable aussi sa queue
Et ses cornes aussi,
Au ciel sa chose bleue
Et la Planète - ici -
Et puis tout : n'importe où
Dans le désert au clou.
J'ai laissé dans l'Espagne
Le reste et mon château ;
Ailleurs, à la campagne,
a tête et son chapeau ;
J'ai laissé mes souliers,
Sirènes, à vos pieds !
J'ai laissé par les mondes,
Parmi tous les frisons
Des chauves, brunes, blondes
Et rousses... mes toisons.
on épée aux vaincus,
a maîtresse aux cocus...
Aux portes les portières,
La portière au portier,
Le bouton aux rosières,
Les roses au rosier,
A l'huys les huissiers,
Créance aux créanciers...
Dans mes veines ma veine,
on rayon au soleil,
a dégaine en sa gaine,
on lézard au sommeil ;
J'ai laissé mes amours
Dans les tours, dans les fours...
Et ma cotte de maille
Aux artichauts de fer
Qui sont à la muraille
Des jardins de l'Enfer ;
Après chaque oripeau
J'ai laissé de ma peau.
J'ai laissé toute chose
e retirer du nez
Des vers, en vers, en prose...
Aux bornes, les bornés ;
A tous les jeux partout,
Des rois et de l'atout.
J'ai laissé la police
Captive en liberté,
J'ai laissé La Palisse
Dire la vérité ...
Laissé courre le sort
Et ce qui court encor.
J'ai laissé l'Espérance,
Vieillissant doucement,
Retomber en enfance,
Vierge folle sans dent.
J'ai laissé tous les Dieux,
J'ai laissé pire et mieux.
J'ai laissé bien tranquilles
Ceux qui ne l'étaient pas ;
Aux pattes imbéciles
J'ai laissé tous les plats ;
Aux poètes la foi...
Puis me suis laissé moi.
Sous le temps, sans égides
'a mal mené fort bien
La vie à grandes guides...
Au bout des guides - rien -
... Laissé, blasé, passé,
Rien ne m'a rien laissé...
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9. |
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J'ai toujours habité de grandes maisons tristes
Appuyées à la nuit comme un haut vaisselier
Des gens s'y reposaient au hasard des voyages
Et moi je m'arrêtais tremblant dans l'escalier
Hésitant à chercher dans leurs maigres bagages
Peut-être le secret de mon identité
Je préférais laisser planer sur moi comme une eau froide
Le doute d'être un homme. Je m'aimais
Dans la splendeur imaginée d'un végétal
D'essence blonde avec des boucles de soleil
Ma vie ne commençait qu'au-delà de moi-même
Ebruitée doucement par un vol de vanneaux
Je m'entendais dans les grelots d'un matin blême
Et c'était toujours les mêmes murs à la chaux
La chambre désolée dans sa coquille vide
Le lit-cage toujours privé de chants d'oiseaux
Mais je m'aimais ah! je m'aimais comme on élève
Au-dessus de ses yeux un enfant de clarté
Et loin de moi je savais bien me retrouver
Ensoleillé dans les cordages d'un poème
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10. |
Mai
02:22
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Le mai le joli mai en barque sur le Rhin
Des dames regardaient du haut de la montagne
Vous êtes si jolies mais la barque s’éloigne
Qui donc a fait pleurer les saules riverains ?
Or des vergers fleuris se figeaient en arrière
Les pétales tombés des cerisiers de mai
Sont les ongles de celle que j’ai tant aimée
Les pétales flétris sont comme ses paupières
Sur le chemin du bord du fleuve lentement
Un ours un singe un chien menés par des tziganes
Suivaient une roulotte traînée par un âne
Tandis que s’éloignait dans les vignes rhénanes
Sur un fifre lointain un air de régiment
Le mai le joli mai a paré les ruines
De lierre de vigne vierge et de rosiers
Le vent du Rhin secoue sur le bord les osiers
Et les roseaux jaseurs et les fleurs nues des vignes
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11. |
Causerie
02:29
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Vous êtes un beau ciel d'automne, clair et rose !
Mais la tristesse en moi monte comme la mer,
Et laisse, en refluant, sur ma lèvre morose
Le souvenir cuisant de son limon amer.
- Ta main se glisse en vain sur mon sein qui se pâme ;
Ce qu'elle cherche, amie, est un lieu saccagé
Par la griffe et la dent féroce de la femme.
Ne cherchez plus mon cœur ; les bêtes l'ont mangé.
Mon cœur est un palais flétri par la cohue ;
On s'y soûle, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux !
- Un parfum nage autour de votre gorge nue !...
O Beauté, dur fléau des âmes, tu le veux !
Avec tes yeux de feu, brillants comme des fêtes,
Calcine ces lambeaux qu'ont épargnés les bêtes !
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12. |
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Le ciel est, par-dessus le toit,
Si bleu, si calme !
Un arbre, par-dessus le toit,
Berce sa palme.
La cloche, dans le ciel qu’on voit,
Doucement tinte.
Un oiseau sur l’arbre qu’on voit
Chante sa plainte.
Mon Dieu, mon Dieu, la vie est là,
Simple et tranquille.
Cette paisible rumeur-là
Vient de la ville.
Qu’as-tu fait, ô toi que voilà
Pleurant sans cesse,
Dis, qu’as-tu fait, toi que voilà,
De ta jeunesse ?
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13. |
Je rêve de vers doux
01:25
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Je rêve de vers doux et d'intimes ramages,
De vers à frôler l'âme ainsi que des plumages,
De vers blonds où le sens fluide se délie
Comme sous l'eau la chevelure d'Ophélie,
De vers silencieux, et sans rythme et sans trame
Où la rime sans bruit glisse comme une rame,
De vers d'une ancienne étoffe, exténuée,
Impalpable comme le son et la nuée,
De vers de soir d'automne ensorcelant les heures
Au rite féminin des syllabes mineures.
De vers de soirs d'amour énervés de verveine,
Où l'âme sente, exquise, une caresse à peine...
Je rêve de vers doux mourant comme des roses.
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14. |
Chant d'automne I
01:46
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Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres ;
Adieu, vive clarté de nos étés trop courts !
J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres
Le bois retentissant sur le pavé des cours.
Tout l'hiver va rentrer dans mon être : colère,
Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé,
Et, comme le soleil dans son enfer polaire,
Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.
J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe
L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.
Mon esprit est pareil à la tour qui succombe
Sous les coups du bélier infatigable et lourd.
II me semble, bercé par ce choc monotone,
Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.
Pour qui ? - C'était hier l'été ; voici l'automne !
Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.
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15. |
Chant d'automne II
02:37
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J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre,
Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer,
Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre,
Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.
Et pourtant aimez-moi, tendre cœur ! soyez mère,
Même pour un ingrat, même pour un méchant ;
Amante ou sœur, soyez la douceur éphémère
D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.
Courte tâche ! La tombe attend - elle est avide !
Ah ! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux,
Goûter, en regrettant l'été blanc et torride,
De l'arrière-saison le rayon jaune et doux !
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Aymeric Le Martelot Brittany, France
Formé à la musique classique et puis autodidacte en jazz, Aymeric Le Martelot effectue ses premiers pas sur scènes dans
diverses formations de blues rock puis de chanson. Il découvre ensuite la musique bretonne et intègre le groupe Arvest.
Depuis, il intègre ses influences dans ses collaborations avec plusieurs formations lors de concerts ou d’enregistrements, notamment avec Ronan Le Bars Group.
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